Nous avons aussi visité ce village, constitué de deux hameaux (voir carte). Le plus gros d’entre eux a une partie haute et une partie basse (il n’y a pas de discontinuité entre les deux, c’est à dire que la limite traverse le village). La partie haute est en zone B, c’est à dire sous l’autorité civile de l’Autorité Palestinienne (mais contrôle de « sécurité » israélien) de sorte qu’elle est « constructible », mais, de surface très limitée, elle est surpeuplée.
La partie basse est en zone C, c’est à dire sous contrôle israélien total, de sorte que les villageois ne peuvent jamais obtenir de permis de construire et que toutes maisons sont donc susceptibles de démolition. De fait, la majorité d’entre elles a été démolie, et les habitants vivent sous des tentes de toile et de plastique (photos ci-dessous). Au mieux, elles sont construites en terre.
Vue panoramique de la partie basse du village d’Al Fasayil. Il ne s’agit pas des tentes d’un village bédouin, mais d’un bidonville qui la partie du village qui se trouve en zone C, et dont les maisons ont été détruites par l’occupant. La partie « en dur » située en zone B se trouve à gauche.
Le deuxième hameau, Fasayil Foqa est aussi en zone C. De nombreuses maisons y ont aussi été détruites, mais les habitants en ont reconstruit une partie en pisé et en tôle (photo ci-dessous à gauche). Ce hameau lui non plus ne dispose pas de la plus petite goutte d’eau, alors que deux énormes citernes blanches crèvent les yeux à flanc de colline derrière le village. Et que l’eau de ces citernes alimente de riches plantations bien vertes dans la colonie qui fait face au village, juste de l’autre côté de la route.
A gauche, maisons en pisé de Fasayil Foqa. A droite une pancarte signalant un projet d’irrigation d’un jardin du village, réalisé par l’ONG USAID. Au centre, comble de dérision, le jardin en question : le système d’irrigation par goutte à goutte est bien installé, mais il n’y a pas d’eau ! Et les aubergines sont perdues.
La seule école de Fasayil se trouve dans le hameau principal, situé à quelques km de Fasayil Foqa. Les habitants ont considéré que le seul moyen de fixer la population dans le hameau consistait à y avoir une école sur place. Celle-ci vient d’être construite, sans permis de construire, bien sûr, avec des fonds norvégiens, mais par les habitants eux-mêmes, en collaboration avec de jeunes bénévoles d’une association de Brighton (GB).
La nouvelle école de Fasyil Foqa à gauche, construite par des bénévoles et décorée avec les enfants. A droite, la « cour de l’école ». Les enfants sont encore éblouis par le petit manège qui vient d’être installé. Sur cette photo, on peut noter deux choses : le contraste entre la sécheresse du village et la végétation luxuriante de la colonie agricole israélienne en arrière plan, et l’extrême misère de ce village de la Vallée du Jourdain où, pour la première fois en Palestine, nous avons vu des enfants nus-pieds.
L’école a été décorée par les enfants eux-mêmes et elle est considérée comme une école de « solidarité ». L’école venait juste d’être terminée lors de notre passage, et elle regroupera 130 élèves dans 3 classes. Le coordinateur de l’association Jordan Valley Solidarity qui a mené ce projet espérait qu’elle pourrait être régularisée grâce à une intervention de M. Blair...
C’est maintenant chose faite, et elle a été inaugurée le 17 août dernier par le premier ministre Mr. Salam Fayyad.
Détails de la décoration de l’école. Au dessus, un texte émouvant rappelant que cette école est celle de la solidarité et de la paix : « Main dans la main, côte à côte, pour la justice et pour la paix, contre l’occupation et l’esclavage, volontaires, solidaires et amis de partout ont soutenu les enfants pour leur éducation ». A droite, une Vallée du Jourdain paradisiaque telle que la rêve les enfants.
En conclusion, l’ensemble des membres de notre groupe a été littéralement assommé par la découverte de la situation des Palestiniens de la Vallée du Jourdain. Nous n’avions jamais vu une telle misère, même dans la bande de Gaza (bien sûr, notre référence date d’avant le blocus), nous n’avions jamais vu non plus la négation de leurs droits les plus élémentaires à une telle échelle. Ils disparaissent petit à petit, et sans témoins, de cette terre presque entièrement aux mains des colons et sillonnée de touristes israéliens.
Car ce qui est frappant aussi, c’est que ce drame est très méconnu, que très peu d’internationaux se rendent dans la vallée du Jourdain, et que nous n’avons vu que peu de projets parrainnés par des ONG. Face à cette situation désespérée, ils résistent en essayant de continuer à exister sur leur terre (même si il ne s’agit que de survivre). Nous avons aussi été frappés par l’attention accordée dans ce contexte aux enfants en général, et en particulier à l’instruction de ces enfants, garçons et filles. L’école est là-bas un instrument de résistance.
Une association palestinienne, Jordan Valley Solidarity, s’est créée il y a un an (http://www.jordanvalleysolidarity.org/). Elle tente de coordonner quelques petits projets « économiques ». Elle tente surtout maintenant d’aider les habitants à résister à chaque nouvelle tentative de dépossession par les colons et elle organise des visites « alternatives » dans la Vallée. Espérons qu’une plus grande présence internationale permettra que l’on connaisse mieux ce scandale.