Je suis partie avec Françoise (Fiquet) en « Palestine-Israël » dans un voyage intitulé « une terre en attente de paix » organisé par « la Vie ».
Le voyage était ainsi introduit : « À l’heure où la peur prend trop souvent le dessus dans toute la région, à l’heure où l’on continue inlassablement de construire des murs pour se protéger, ceux qui travaillent à bâtir la paix ne sont pas moins nombreux. Ferments d’espérance, ils sont dans le quotidien des adeptes de la réconciliation. » Ce voyage sera « aussi l’occasion de découvrir des sites prestigieux : le lac de Tibériade, Bethléem ou encore Jérusalem, la ville trois fois sainte qui suscite depuis des millénaires la passion des hommes ».
Nous ont été remis avant notre départ un livre d’Elias Sanbar (ambassadeur de Palestine auprès de l’UNESCO) : La Palestine expliquée à tout le monde, mais aussi un guide Michelin Mondeos : Israël, parfait outil de propagande : il affiche l’annexion de la Palestine occupée sans ses habitants (par exemple : superficie d’Israël : 28 000 km2 dont les territoires « gérés » par l’Autorité palestinienne et population : 8,68 millions d’habitants, soit la totalité des habitants d’Israël en deçà de la ligne verte, quelle que soit leur nationalité attribuée plus les colons mais moins, évidemment, les Palestiniens vivant sur ces territoires inclus dans la superficie d’Israël – ou citant les villes de Palestine occupée sans les situer autrement qu’en Israël – rendant les Palestiniens quasi invisibles). Un guide exactement contraire à une recherche de paix pour les deux peuples. Nul doute que si j’avais eu ce guide en main avant mon inscription pour le voyage... je ne me serais pas inscrite. Je l’ai évidemment contesté et j’espère que ma contestation sera entendue et qu’il ne sera pas reconduit pour les voyages suivants !
D’entrée de jeu, j’ai précisé que je ne suis pas chrétienne mais intéressée par une lecture biblique de cette terre et, surtout, combattante pour une paix juste au Proche-Orient. Ce groupe de chrétiens engagés, bienveillants et ouverts, a paru m’accepter, comme telle.
Le premier jour, nous sommes montés sur le Golan, tout près de Damas... Nous avons visité l’église byzantine de l’Heptapegon (sept sources) de Tabgha, lieu supposé du miracle de la multiplication des pains et des poissons, Capharnaum, village de Pierre et l’église construite autour de la pierre, au bord du lac de Tibériade, où Jésus aurait signifié à Pierre qu’il construirait son église.
Le soir, nous avons rencontré une Palestinienne chrétienne, engagée pour la paix, pharmacienne mais aussi juriste, préoccupée par les droits de l’homme. Elle nous a fait un historique des invasions successives de cette terre pour finir par le projet de Herzl (qui voulait une terre sans peuple pour un peuple sans terre...) conjugué avec les trahisons de l’Occident, Grande-Bretagne et France... permettant la création de l’État d’Israël autoproclamé en mai 1948, après la recommandation de l’ONU de novembre 1947 de partager la Palestine en deux États et le départ subit de la Grande- Bretagne. Du mois de novembre 1947 au mois de mai 1948, les forces armées juives avaient commencé à vider les villages palestiniens. Après la création de l’État, l’attaque et la défaite des pays arabes, en mai 1948, Israël a agrandi son territoire jusqu’à 78% de la Palestine historique. À terme, 85% des Palestiniens ont été expulsés. La seule ville restée aux mains des Palestiniens est Nazareth dont le territoire a été divisé par quatre pour permettre l’implantation de Nazareth Elit peuplée de citoyens juifs. Israël leur a donné des cartes d’identité d’« Arabes israéliens » pour mieux effacer la Palestine.
Elle décrit la situation actuelle de « discrimination » (elle n’utilise pas le mot « apartheid ») avec deux systèmes scolaires, l’interdiction d’étudier l’histoire propre des Palestiniens, une densité de population croissante sur une terre rognée, aboutissant à la loi fondamentale d’août 2018 qui définit Israël comme « l’État-nation du peuple juif », fait de Jérusalem sa capitale complète et unifiée, n’attribue plus à la langue arabe son statut de langue officielle, accorde une « valeur nationale » au développement des colonies et réserve le droit à l’autodétermination nationale dans l’État d’Israël aux seuls Juifs, aux questions qui lui sont posées sur l’espoir d’une solution, elle répond obstinément qu’il n’y a plus d’espoir. Et quand est évoqué le mouvement international de soutien, elle répond qu’il vient trop tard. Elle s’est révélée bien plutôt ferment de désespérance...
Le deuxième jour, visite à Nazareth, de la basilique de l’Annonciation, de la synagogue, de l’église Saint-Gabriel et de l’église Saint-Joseph. Nous partons ensuite pour la Palestine occupée, Sébaste, traversée (sans hélas s’arrêter) de Jénine et de Naplouse (où nous pouvons constater un grand nombre de constructions en cours) pour arriver à Ramallah. À noter que nous franchissons le check-point sans encombre : il faut dire que notre autocar a une plaque minéralogique israélienne... Mais pour assurer sa sécurité, le chauffeur va exhiber ensuite un keffieh derrière son pare-brise...
Le soir, nous devions rencontrer un membre de l’Autorité palestinienne qui s’est fait excuser. Nous avons appris, simultanément, l’assassinat ciblé de Baha Abu al-Ata, haut responsable de l’armée du Jihad et la riposte par l’envoi de missiles de Gaza vers Israël, ce qui laisse mal augurer de la réaction d’Israël. Néanmoins notre périple va se poursuivre sans encombre, assurés que nous sommes par notre guide de notre sécurité, à savoir le contournement de toute zone sensible. D’ailleurs, je commence à penser que nous n’avons droit qu’à une vision tout à fait édulcorée de l’occupation, loin de ce que j’ai pu constater lors de mes précédents « voyages ».
Le troisième jour est consacré en principe à la visite de Ramallah, visite qui va se résumer à la visite de la Mouqata’a, luxueusement reconstruite, à un arrêt sur la tombe du poète Mahmoud Darwish et visite du musée qui lui est consacré et, tout de même, un arrêt à la place des Lions ! Avant de prendre la route pour Bethléem.
Pendant ce temps, Israël bombarde Gaza et fait quatorze morts... et combien de blessés ?
Le quatrième jour, nous partons pour Hébron. Nous avons introduit la journée par un arrêt dans les locaux de l’AECHF (association d’échanges culturels Hébron-France) et AHDSC (association d’Hébron pour le développement socio-culturel). La première a évidemment des activités essentiellement culturelles avec l’accent mis sur les activités francophones et pratique un tourisme alternatif (notre guide à Hébron est une responsable de l’association). La seconde pratique un soutien à la population de la zone H2 (zone administrée par Israël au sein de la ville palestinienne) par un bureau d’aide sociale et des activités pour les enfants et pour les femmes.
Notre guide nous emmène à la rue des Martyrs fermée par les autorités d’occupation depuis le massacre de 25 Palestiniens perpétré le 25 février 1994 par un colon juif dans la mosquée Ibrahim. Elle est maintenant occupée par des colons : toutes les rues qui y mènent sont également fermées, les bâtiments qui lui font face sont inhabités et cela a provoqué l’expulsion de 1500 habitants et la fermeture de 1800 magasins.Les souks alentour sont restés déserts pendant des années mais paraissent reprendre un peu vie, un peu... Nous avons retrouvé dans les ruelles des souks ces filets au-dessus de nos têtes, retenant les ordures jetées par les colons qui se sont installés dans les étages : à Hébron, il est difficile d’occulter les effets de l’occupation !
Nous partons pour une visite aux tombeaux des patriarches, Abraham, Isaac, Jacob et leurs épouses, vus côté synagogue et côté mosquée. Pour nous, pèlerins, exceptionnellement, le « hachoir » à persil dans lequel nous entrons ne se bloque pas, ne nous bloque pas pour le temps indéterminé que met le soldat en face à décider ou non du passage et, à nouveau, c’est une version très soft de l’occupation qui nous est donnée.
L’après-midi, nous nous rendons à Tente des nations, ferme appartenant à une famille palestinienne chrétienne, menacée depuis une trentaine d’années tant par l’État d’Israël qui cherche à la confisquer malgré des titres de propriété (ottomans, britanniques, jordaniens et palestiniens) dûment enregistrés que par les colons environnants. À l’entrée de la ferme, après les gros blocs rocheux qui obstruent l’accès à la route qui mène à l’exploitation, des pierres sont dressées sur lesquelles il est gravé en plusieurs langues : « Nous refusons d’être ennemis. » Nous sommes accueillis par M. et Mme Nassar (frère et sœur) et c’est cette dernière qui nous relate les vicissitudes dont ils sont l’objet.
Amar Nassar, fille et sœur d’agriculteurs, résidant dans la ferme, est pédiatre à l’hôpital de Bethléem. Elle apprécie notre venue quand tant d’autres visitent la Terre Sainte mais oublient les « pierres vivantes » de cette terre. La famille Nassar a vécu longtemps en paix sur sa terre, cultivant les olives, le raisin, les figues, les amandes, les pommes, les abricots, les grenades mais aussi maïs et blé et élevant vaches et volaille. Il n’y avait accès qu’à l’eau de pluie et pas d’électricité. Mais, en 1991, la terre a été déclarée « terre d’État » ce qui a obligé à engager une procédure qui dure maintenant depuis... 28 ans ! dont 14 devant les tribunaux militaires. Après les accords d’Oslo (qui les ont classés en zone C), les ordres de démolition se sont encore succédé, délivrés n’importe comment mais qu’il importe de retrouver pour pouvoir les contester dans les courts délais impartis. La ferme est entourée par cinq colonies qui veulent toutes leur terre. Les colons ont notamment envahi la ferme une nuit. Les Nassar ont appelé la police qui est venue pour protéger... les colons, lesquels ont massacré, en présence des policiers, 2500 oliviers. Les violences des colons ne se limitent pas à cela : ils déracinent des arbres, détruisent des citernes, bloquent la voie d’accès à la ferme, cherchent à construire une route pour eux-mêmes traversant la propriété, menacent la famille avec leurs fusils.
C’est un harcèlement constant et coutumier en Cisjordanie. En 2007, la Cour suprême d’Israël a dit que la famille pouvait renouveler l’enregistrement de sa terre et les titres de propriété ont été soumis à l’autorité civile israélienne en 2008. Mais, en 2014, de nouveaux papiers ont été jetés sur leur propriété selon lesquels ils travaillent sur une terre d’État qu’ils doivent quitter et, quelques jours plus tard, trois bulldozers sont arrivés qui ont rasé 1500 oliviers. La Cour suprême, a nouveau saisie, a demandé aux autorités militaires de répondre sur la demande d’enregistrement des titres de propriété (soumis en 2008 !) et a donné à la famille 90 jours pour réenregistrer leurs titres, ce qu’ils ont fait et ce pourquoi ils n’ont toujours pas de réponse à ce jour...
À chaque épisode violent raconté, elle ponctue par « but we’re not leaving ! » « mais nous ne partons pas ! ». Ils ont reçu une proposition d’indemnisation qu’ils ont refusée au motif qu’« ils ne vendront jamais (leur) mère » (la terre) . Ils ont reçu l’aide d’internationaux qui les ont aidés pour de nouvelles plantations, ont financé une installation solaire et de nouvelles citernes.
L’objectif est de pousser les gens à la violence ou à quitter leur terre. Les seules options des Palestiniens sont l’émigration, l’abandon de leurs terres et maison dans l’attente d’une solution imposée par la communauté internationale ou de résister par la violence. Pour leur part, ils cherchent une quatrième voie que les Palestiniens recherchent de plus en plus. C’est une résistance active et non-violente. Ils cherchent des actions positives, ils ne veulent pas être des victimes mais créatifs pour la paix, l’espoir, l’amour. Leur père avait le rêve de faire de la ferme un lieu de rencontres : ils ont un programme annuel pour organiser des rencontres avec des volontaires internationaux, font des camps d’été pour les enfants, participent à un projet pour les femmes d’initiation à l’anglais et l’informatique mais aussi de recyclage du plastique.
Cette rencontre a fortement impressionné l’ensemble des participants du voyage qui montre une partie du vrai visage de l’occupation avec tout son arbitraire et sa violence. Et, en face, la calme détermination d’une famille résistante. Un premier ferment d’espérance ?
Sachant qu’à ce jour, on compte une trentaine de morts sous les bombardements à Gaza.
Le cinquième jour, au matin, visite de l’église de la Nativité et de l’église Sainte- Catherine.
Nous partons ensuite vers le camp de réfugiés d’Aïda, avec, notamment, pour objectif le centre culturel d’Al Rowwad. Malheureusement, ce n’est pas le Dr Abdelfattah Abusrour, de langue française et de grand charisme qui nous a accueilli comme en 2005 (mission des anciens réfractaires à la guerre d’Algérie) mais un jeune dirigeant du centre, de langue anglaise.
Al Rowwad est un centre culturel et de formation théâtrale, fondé en 1998.
C’est une institution indépendante et non gouvernementale qui travaille au développement de la culture mais aussi contre la guerre, en proposant aux enfants des activités de théâtre et d’arts plastiques, une formation à l’informatique et l’apprentissage du français. Il favorise une enfance normale en matière de comportement, de connaissances, de concepts et de pratiques. Il s’adresse aussi aux femmes. Selon Abdelfattah Abusrour il s’agit de « résister avec de la beauté, de la culture et de l’art à la laideur de l’occupation imposée à nos enfants ».
J’ai connu le centre fonctionnant dans deux petites pièces (en 2005) puis dans un centre construit grâce à des fonds internationaux (dont les « amis d’Al Rowwad » en France) et je découvre une nouvelle annexe à une dizaine de mètres (consacrée à la photographie, vidéo et films d’animation, hébergement et restauration des internationaux, atelier de menuiserie et projet de musée du camp de réfugiés). Un développement extraordinaire.
Bethléem compte trois camps de réfugiés. Le camp de Dheisheh est habité par 18000 personnes sur une surface de 1 km2. Le camp de réfugiés d’Aïda est habité par environ 6500 personnes sur ½ km2, originaires de quelques 35 villages détruits et pratiquement dépourvu d’équipements collectifs. La question de l’eau y est cruciale car elle est livrée par camion une fois tous les 20 jours. Il relève de l’UNRWA mais beaucoup des services de celle-ci ont été arrêtés (eau et électricité) : elle ne fournit plus qu’un service limité pour la santé (ne contrôle plus que les malades permanents) et l’enseignement (deux écoles jusqu’à la 3e, l’une de 500 garçons et l’autre mixte de 800 élèves). Le chômage y est de plus de 65% de sorte qu’il est difficile pour les familles de financer les études après la 3e. Seuls 25% ont vraiment un travail (15% pour l’Autorité palestinienne, 6% pour l’UNRWA et 4% de privés). Les autres travaillent un ou deux jours par semaine.
Les couvre-feux très fréquents et une forte présence militaire dans le camp font vivre les enfants dans un climat très tendu. La liberté de circulation est extrêmement limitée : il est plus facile d’aller en France (pour les tournées théâtrales des enfants protégées par la voie diplomatique) qu’à Jérusalem qui est à une dizaine de km...
Nous montons sur la terrasse de l’immeuble d’où nous avons une vue globale du camp et pouvons voir des voitures de l’armée sillonner quelques rues du camp en envoyant des grenades lacrymogènes dont les gaz parviennent jusqu’à nous. La visite est alors annulée pour notre sécurité, la visite du camp et du mur qui l’encercle et c’est vraiment dommage car les bâtiments du centre (spacieux, lumineux, voire luxueux au regard de ce qui les entoure) donnent vraiment une fausse idée de ce qu’est le camp. Les mots ne suffisent pas. Nous n’irons pas au pied du mur, nous ne toucherons même pas du doigt l’horreur de l’occupation. Mais ce centre est tout de même un nouveau ferment d’espérance...
L’après-midi est consacrée à la visite du mont Sion, du Cénacle (lieu de la dernière Cène), du monastère de la Dormition et de l’église de Saint-Pierre en Galligante (construite à l’emplacement supposé du palais de Caïphe, lieu du reniement de saint Pierre). Retour par la porte de Sion.
Le soir, conférence de Marie-Armelle Beaulieu, Française et rédactrice en chef d’une revue des Franciscains : Terre Sainte.
Elle nous narre son itinéraire personnel aboutissant à son installation à Jérusalem où elle est depuis vingt ans avant de rappeler l’historique de « ce pays en attente de paix ». Elle évoque l’invasion arabe en 637 qui impose langue et religion de sorte que la population indigène a été « arabisée » mais n’est pas arabe. Quand elle évoque Gaza et la situation dramatique qui lui est faite, étonnamment elle parle des roquettes envoyées par Gaza sur Israël, comme s’il s’agissait d’une agression de Gaza. Je rappelle alors qu’il s’agit d’une riposte à l’assassinat ciblé d’un responsable du Jihad islamique et de son épouse, ce qu’elle admet ! mais en me paraissant justifier la possibilité de l’assassinat ciblé, ce qui me met particulièrement mal à l’aise... Elle mentionne ensuite
Le septième jour, nous commençons par une visite de la magnifique esplanade des mosquées, puis le Mur des lamentations (appellation qui serait dorénavant exclue puisque le peuple juif n’a plus à se lamenter...) devenu Kotel ou
mur occidental et la basilique Sainte-Anne. Je rappelle, à cet égard, le très beau moment que nous avions vécu en 2005 quand Claude-Cosinus s’était mis à chanter pour nous qui étions seuls dans la basilique ! Là, la cohue est telle que les groupes de visiteurs sont autorisés à chanter à tour de rôle pour 5 minutes et se succèdent sans discontinuer...
Après-midi à Yad Vashem. Nous allons voir des lieux symboliques, wagon, flamme du souvenir, monument à Janusz Korczak et les enfants du ghetto, jardin à la mémoire des enfants. Je suis quand même un peu déçue car j’avais un souvenir fort de la visite du musée que je regrette de n’avoir pas revu.
Le soir, nous avons une conférence de Hind Khoury, ancienne déléguée de l’Autorité palestinienne en France, ayant participé à la rédaction du document Kairos Palestine émanant de diverses Églises et signé par d’éminentes personnalités représentant ces Églises au mois de décembre 2009. Ce document préconise « la résistance au mal de l’occupation », résistance à l’injustice sous toutes ses formes et avec les moyens qui rentrent dans la logique de l’amour. Il soutient l’appel lancé par des organisations civiles palestiniennes en faveur d’un boycott économique et commercial de tout produit de l’occupation qui s’insère dans la logique de la résistance pacifique. Il refuse le caractère religieux de l’État, qu’il soit juif ou musulman, qui étouffe l’État et appelle de ses vœux « un État pour tous ses citoyens, bâti sur le respect de la religion, mais aussi sur l’égalité, la justice, la liberté et le respect du pluralisme, non sur la domination du nombre ou de la religion ».
Malheureusement, Hind Khoury ne nous parlera pas ou peu de ce document, juste pour nous dire qu’il décrit le contexte humain tragique des Palestiniens et qu’il faut œuvrer pour la justice et l’amour, créer une nouvelle humanité car ce sont les peuples qui doivent changer les choses. Mais sans approfondir ledit document et ses préconisations. C’est dommage.
Elle a pris le parti de nous décrire ce contexte humain tragique, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie où il n’y a pas d’avenir pour les enfants et considère que nous sommes à une période où la vie humaine n’a plus de valeur.
Mais nous sommes peut-être passés à côté d’un ferment d’espérance qui ne nous a pas été donné. Sans doute parce que ce texte qui a dix ans n’a été suivi d’aucun effet...
Le huitième jour, au matin, est consacré à la Via Dolorosa et à la montée au Saint Sépulcre que nous essayons de visiter autant que possible, dans la foule environnante !
Quelques heures de liberté dont je profite pour flâner dans la vieille ville et ses souks et aller à la porte de Damas que je retrouve avec bonheur, malgré le contexte !
Pour terminer et répondre à l’attente de la plupart des participants au voyage (qui souhaitaient entendre une autre voix...) nous rencontrons un jeune Juif israélien qui a fait des études religieuses, est en train de terminer ses obligations militaires (dont il précise qu’il ne parlera pas) avant de reprendre ses études religieuses et devenir ensuite professeur de sciences humaines.
Il nous dit que les Palestiniens font partie de sa vie, qu’il ne souhaite pas qu’ils partent mais que la séparation crée la peur et la haine, ce qui rend la paix difficile. Mais quand il en vient à parler du Hamas, de bonne ou de mauvaise foi, je ne sais, il reprend la langue officielle d’Israël pour nous dire qu’il a pris le pouvoir de force à Gaza... et ainsi de suite...
Il ne représente pas, en tout cas, un ferment d’espérance pour la paix. Pourtant, il y en a en Israël, même s’ils sont peu, très peu... En tout cas, combattants pour la paix même s’ils sont désespérés, tel Michel Warshawski, les anarchistes contre le mur (si peu soient-ils maintenant...), « boycott from within » et quelques autres.
J’ai relevé, à plusieurs reprises, le caractère soft de l’occupation qui nous était montrée mais qui était peut-être de bonne pédagogie, pour une première initiation. Je me rappelle la brutalité des premières rencontres de nos anciens réfractaires et le choc qu’avaient ressenti certains. Cela m’a été confirmé par un message que j’ai reçu d’une des participantes qui s’exprime ainsi :
« Même si, en effet, l’espoir est imperceptible dans beaucoup de cas, il n’est pas vain.
Pour moi qui venais en Palestine pour la première fois, j’ai découvert avec effroi les conditions de vie des Palestiniens et je n’ai pas trouvé que les récits et présentations sur l’occupation étaient "soft".
Pas du tout.
C’est peut-être ce que l’on pouvait supporter, accepter (?) dans une première approche.
En revanche, j’ai pu mesurer la complexité de la situation et l’indifférence occidentale vis-à-vis des Palestiniens.
C’est tout l’intérêt de ce voyage qui n’était pas un pèlerinage en Terre Sainte mais une découverte de la Palestine et une rencontre avec des Palestiniens.
Cherchons tous comment aider... »
Et je pense que la plupart des participants à ce voyage sont ainsi revenus mieux informés et, surtout, désireux de continuer à mieux informer et à témoigner.
Stéphane Hessel disait qu’il ne fallait jamais désespérer car la vie réserve parfois des surprises (il avait été surpris par la chute du mur de Berlin et la fin légale de l’apartheid en Afrique du Sud), et l’espoir est nécessaire pour continuer le combat.
Pendant ce temps, il y avait à Gaza 32 morts (dont une famille de 8 personnes), 111 blessés et de nombreuses destructions. Comme disait Hind Khoury : « Nous sommes à une période où la vie n’a plus de valeur ».