Un appel à la désobéissance
Nous refusons de nous soumettre aux lois et décrets. Nous sommes des dizaines de femmes juives israéliennes à voyager et à traverser les postes de contrôle avec des femmes et des enfants palestiniens de Cisjordanie, à visiter ensemble nos villes, à apprécier les plages, à nous amuser sur les terrains de jeux, à les héberger chez nous et à être hébergées chez ces femmes au-delà des frontières interdites. Nous avons ensemble cueilli des olives dans leurs oliveraies familiales au-delà des postes de contrôle.
Ensemble, nous avons écouté le merveilleux chanteur palestinien Amal Markus au théâtre de Jérusalem.
Ensemble, nous sortons avec les institutrices des maternelles palestiniennes au centre de Tel-Aviv.
En raison de ces actions menées par notre collègue Ilana Hamerman, celle-ci a été, pour la troisième fois, interrogée par la police en vue d’une longue enquête.
Elle n’est pas la seule.
Nous, soussignées, affirmons publiquement que nous allons continuer à rejeter les lois et règlements qui violent le droit à la liberté de circulation de la population civile de Cisjordanie. Nous mettons en doute l’équité, la moralité ou le bien-fondé de ces lois.
Nous poursuivons la voie de la désobéissance civile contre un système arbitraire qui, pendant les quarante-quatre dernières années, a privé des millions de personnes de leurs droits humains et civils en érigeant des murs de séparation, des barrières et des postes de contrôle et en les plaçant derrière.
Notre groupe grandit de jour en jour. Récemment, 300 universitaires ont apporté leur soutien en disant : « Votre justice est celle que nous cherchons tous. Votre condamnation est la même que la nôtre. »
Nous lançons un appel à tous les Israéliens conscients et lucides : Rejoignez-nous par centaines. Ceci n’est plus une lutte contre l’apartheid en Cisjordanie, c’est une lutte pour une vie normale dans notre pays.
Vendredi 13 janvier 2012.
Traduction de l’hébreu par Ayelet du groupe Désobéissance
Pouvoir regarder la mer
Ilana Hamerman est une militante des droits de l’homme qui rencontre souvent en territoire occupé des Palestiniennes à qui elle apporte de l’aide humanitaire (nourriture, vêtements, médicaments, jouets, etc.).
Au cours de ses actions, elle a recueilli des confidences de jeunes femmes palestiniennes qui lui ont confié leur rêve : voir, un jour, la mer ! La plupart de ces habitantes de Ramallah, Jénine, Hébron, Jéricho, etc. n’ont jamais vu la mer de leur vie. Ni non plus visité une grande ville moderne comme Tel-Aviv, avec ses magasins, ses cafés, ses centres commerciaux. Si ces jeunes femmes demandent une autorisation d’entrée en Israël « pour voir la mer », elles seront évidemment éconduites.
Avec une vingtaine de ses compagnes, Ilana Hamerman a décidé de faire de la résistance civile et de violer la loi israélienne. Elles ont organisé à plusieurs reprises de « journées de kif » pour des dizaines de jeunes femmes palestiniennes (en tout 600).
Ces opérations ont été montées comme de véritables expéditions militaires. Chaque militante israélienne arrive dans sa voiture au domicile de la « touriste » palestinienne avec dans ses bagages tout un attirail... d’accessoires de vêtements occidentaux : colliers, casquettes modernes, maquillage, lunettes de soleil, pull-over et chemises à la mode. Les jeunes Palestiniennes, qui sont vêtues pour la plupart de caftans et qui portent un foulard traditionnel sur la tête, se déshabillent dans la voiture avant d’arriver à l’un des barrages de Tsahal. Les soldats qui voient dans la voiture (conduite par une Israélienne bien blonde) quatre ou cinq femmes habillées à l’occidentale n’ont généralement aucun soupçon quant a l’identité des voyageuses. Si par hasard ils adressent la parole à l’une des Palestiniennes, celle-ci a appris une ou deux phrases en hébreu avec l’accent « branché » de Tel-Aviv.
La chaîne 2 de la télévision israélienne a montré le 8 octobre 2010 ces jeunes femmes palestiniennes émerveillées de plonger leurs pieds pour la première fois de leur vie dans la mer, sur la plage de Tel-Aviv. Instant de bonheur, de joie, de paix...
Une action en justice a été enclenchée contre les militantes israéliennes. Leur crime ? Avoir permis à des Palestiniennes de regarder la mer !
Article paru dans le Monde libertaire du 23 au 29 février 2012.