Voici l’intégralité du récit que Marc Joubert nous avait fait parvenir avant la rencontre de 2003. Pour sa notice biographique dans notre livre, nous y avions pris quelques informations.
19 mai 2003 Dès le début de la guerre d’Algérie, en novembre 1954, j’étais préparé à ressentir de l’aversion pour le fait colonial. Pendant l’occupation allemande de notre pays, je m’étais engagé dans la Résistance et, dans les années 1952-1954, j’ai vécu, avec un jugement critique, la présence coloniale et militaire de la France au Vietnam où j’avais été envoyé par la banque qui m’employait. À partir de 1955, je me suis lié avec plusieurs familles algériennes vivant dans les bidonvilles de Décines et Vaulx-en-Velin, dans la banlieue de Lyon, et j’étais préoccupé par la détresse des familles des « suspects » dont les hommes étaient retenus dans des camps en France et en Algérie, sans qu’aucune charge précise ne pèse sur eux. Je me rendais compte, au fil des années, que mes interventions auprès des autorités civiles et militaires restaient infructueuses, mais je ne voulais pas pour autant sortir de la légalité pour soutenir la guerre d’indépendance et combattre l’armée française. C’est alors que s’est produit un événement révélateur que je situe exactement au dimanche des Rameaux de 1960. J’étais réservé à l’égard de l’action non-violente et n’avais pas l’intention de rejoindre les mouvements qui la pratiquaient ; mais, ma sœur m’avait demandé de la conduire à Thol, petite localité près de Pont-d’Ain, où un camp de « suspects » était installé et où devait avoir lieu, devant ce camp, une manifestation non-violente à laquelle elle voulait participer. Après la messe à l’église du village et à laquelle j’assistai, le cortège se mit en marche en direction du camp. Je fus très impressionné par l’attitude calme et digne des manifestants, à tel point que je pris la décision de me joindre à eux. Mon admiration pour ces non-violents redoubla pendant l’après-midi lorsque je vis beaucoup d’entre eux, face aux CRS, se laisser frapper, traîner et embarquer sans ménagements dans les fourgons, en gardant une attitude calme et sans agressivité devant les policiers. J’ai immédiatement compris que ces gens avaient reçu un entraînement à la non-violence, et cela m’intéressait... On m’invita alors à prendre contact avec Jean-Pierre Lanvin qui était l’animateur des Amis de l’Arche de Lyon et le responsable des actions non-violentes dans la région. Je joignis donc le groupe des Amis de l’Arche et assistais assidûment à ses réunions, étudiais la doctrine de Lanza del Vasto et pratiquais les exercices, car l’action non-violente me paraissait être, entre autres, la meilleure voie pour luttrer contre la guerre d’Algérie et agir sur le gouvernement. Quelques mois plus tard, Jean-Pierre Lanvin ayant manifesté le désir de prendre du recul dans son engagement, les responsables nationaux de l’ACNV à Bollène (siège de la communauté de l’Arche) me demandaient de prendre la responsabilité du groupe local de l’ACNV. Ce que j’acceptai non sans hésitation car j’estimais ma préparation trop récente et fragile. Outre les tâches courantes de la gestion assumées jusqu’en 1962 (Jean-Pierre Lanvin ayant repris le flambeau ensuite), telles que la liaison avec les responsables nationaux, l’information des groupes ACNV et Amis de l’Arche de Lyon, les réponses aux personnes intéressées et parfois les mises au point, l’organisation de manifestations locales, la collecte de fonds, etc. j’ai été amené à m’engager dans différentes actions plus importantes telles que :
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