18-20 avril 2007
La deuxième conférence internationale de Bil’in
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Nous étions à la deuxième conférence internationale de BiI’in avec une cinquantaine de Français (28 membres de l’Association France Palestine solidarité (AFPS), 11 membres de la Campagne civile internationale pour la protection du peuple palestinien (CCIPPP), 3 membres du Mouvement de la paix, 3 personnes du Mouvement pour une alternative non-violente (MAN) ainsi que des délégations étrangères (dont Allemagne, Danemark, Espagne, Italie, Afrique du Sud, États-Unis, Canada, Grèce, Porto Rico, Argentine, Grande- Bretagne., Suisse, Irlande, Belgique, Nouvelle-Zélande, Inde, Israël, etc.). Au total, entre 500 et 600 participants pendant la durée de la conférence.
II y a lieu de souligner, au préalable, la remarquable organisation de cette conférence qui a permis à ce village d’absorber ces centaines de personnes sans aucune infrastructure. Nous étions logés chez les habitants (qui nous ont fait un accueil chaleureux et nous ont hébergés malgré la précarité de leur situation), avec un repas collectif le midi et un repas partagé, le soir, chez nos hôtes. La conférence se tenait sous une sorte de tente dressée dans la cour d’une école et il y était même prévu des traductions simultanées avec des casques.
Au cours de la conférence, se sont exprimés de nombreux responsables politiques palestiniens (Mustafa Barghouthi, ministre de l’Information, Azzam Al Ahmad, vice-premier ministre, Nasser AI Qudwa, porte-parole du président Mahmoud Abbas, etc.) aux côtés de citoyens israéliens intellectuels, joumalistes, militants pour la paix (Amira Hass, Jeff Helper, Itan Pappe et d’autres), des élus européens (Luisa Morgantini) et élus français dont deux parlementaires Jean Claude Lefort (PC), Alima Boumediene Thiery (Verts), un ambassadeur (Stéphane Hessel), diverses personnalités internationales (Mairead Corrigan Maguire, Irlandaise, prix nobel de la paix) ainsi que des représentants du Comité populaire de Bil’in et des associations de solidarité et des mouvements pour la paix européens ou israéliens.
Uri Avery (Gush Shalom), présent dans l’assemblée, mais qui n’est pas intervenu, est toujours resté fidèlement en tête des manifestations pendant ces deux années.
Il a été beaucoup question évidemment de l’occupation, de ses modalités et de ses conséquences, de la domination et du contrôle d’Israël tant sur la société palestinienne afin de la détruire que sur le moindre fait du quotidien ou la médiatisation du conflit imposant une narration unilatérale et mensongère, de la crise économique palestinienne due au siège militaire mené et à l’étouffement pratiqué.
Ilan Pappe a fait une intervention remarquée par une comparaison avec l’apartheid de l’Afrique du Sud et l’appel au boycott d’Israël afin d’obtenir la constitution d’un seul État avec égalité des droits entre tous les citoyens, quelle que soit leur origine. Cette intervention a suscité par la suite une vigoureuse polémique avec Uri Avery (militant convaincu de la création de deux États et directement contesté) d’abord sur internet puis lors d’une réunion publique organisée par Gush Shalom à Tel-Aviv le 8 mai.
Pour notre part, outre notre frustration résultant de notre méconnaissance de l’anglais, nous avons été un peu déçus du fait que, contrairement aux termes de l’appel à la conférence, il ne soit pas davantage question de non-violence, de stratégies proposées et de mise en commun de propositions. Les propositions initiales étant de continuer à inventer de nouveaux moyens non-violents pour dire non à l’occupation et oui à une paix juste, d’apprendre les uns des autres en échangeant les expériences et les connaissances communes afin d’unir les forces.
Le dernier jour, vendredi, avant la manifestation rituelle, s’est tenue une conférence de presse au pied du « mur » avec notamment le ministre de l’Information Barghouti et Mairead Corrigan Maguire à laquelle les soldats israéliens, sur le pied de guerre depuis le matin, ont brutalement mis fin sous la menace d’une attaque dans les cinq minutes... Un activiste portoricain, Tito, est parvenu alors à monter sur un pylône pour y planter un drapeau palestinien.
Nous sommes partis en direction du mur après la prière du vendredi. Nous étions quelques centaines, mais nous avons eu le sentiment d’une affluence moindre que celle que nous avions connue il y a deux ans, une moindre participation des Israéliens, une fonte des effectifs des étrangers venus à la conférence (sauf les Français), sans avoir d’explication de ce chef (violence de la répression du vendredi précédent ? Divergences politiques ? Lassitude ?).
Les soldats nous attendaient, placés en haut de la colline en face, en position armée devant le mur, un canon à eau à disposition. Peu avant d’atteindre le fond du vallon, nous avons été canardés (balles en caoutchouc, grenades assourdissantes et grenades lacrymogènes souvent tirées à tir tendu et donc à risque mortel) avec une violence sans proportion ni même relation avec la manifestation, quand nous avions tous visiblement les mains en l’air. Le canon à eau a été utilisé sur les premières lignes de la manifestation.
Nous avons tenu environ deux heures, avec des avancées et des reculs et devant une stratégie d’encerclement menée par l’armée. Il y a eu 24 blessés recensés dont Mairead Corrigan Maguire (intoxiquée par les gaz et blessée à la jambe par une balte en caoutchouc) et Alima Boumedienne-Thiery (d’énormes hématomes sur un bras et sur une jambe par balles en caoutchouc). Après quoi, l’ordre de dispersion a été donné .
Nous tous repartis [...] et nous avons laissé nos amis palestiniens seuls devant l’imminence d’une répression accrue quand nous aurions tourné le dos ; Palestiniens abandonnés et démunis dans le silence international complice de la terrible injustice qui leur est faite.
La haute tenue de cette conférence nous a confirmé encore ce que nous avions déjà constaté lors de notre précédent séjour, à savoir la dignité, la fierté, le dynamisme et la force de ce peuple en résistance qui, de surcroît, nous accueille avec chaleur et gaieté.
Il y a lieu d’ajouter que, depuis, par arrêt du 4 septembre 2007, la Cour suprême a ordonné le démantèlement d’une portion du mur construit sur le territoire de Bil’in, concernant un tronçon de presque 2 km de long et permettant ainsi (si la décision est exécutée) la restitution de 50 % environ des terres spoliées. Elle a, concomitamment, consacré la construction de la colonie illégale sur la portion non restituée... Mais pour partielle qu’elle soit, il n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’une victoire de la lutte menée et d’un encouragement pour la lutte à continuer.
Geneviève Coudrais et Jean Lagrave