Claude Michel, dans son livre la Quête du sens, pp. 120-122, raconte :
« Je [et d’autres personnes de l’ACNV] me retrouvai avec une centaine de personnes aux environs de Dijon, en septembre 1960. [...]
La réunion dont il s’agissait avait un côté un peu clandestin, ce qui n’était pas dans nos habitudes, car y assistaient plusieurs jeunes recherchés pour insoumission ou désertion. Il y avait également – et ils allaient nous donner du fil à retordre – un certain nombre de responsables de mouvements d’aide plus ou moins directe au FLN, et de soutien aux jeunes qui refusaient de combattre pour la cause française. Il apparut bien alors que la non-violence ne va pas de soi, comme d’aucuns peuvent le penser. Refuser le service armé, renvoyer son uniforme, prendre même le risque d’aller travailler volontairement sur un chantier bénévole, étaient des choses assez faciles à admettre.
Mais pourquoi donner son adresse à la police, ne pas mettre sur pied un réseau d’aide clandestin, pourquoi ne pas faire des barrages sur les routes, bref prendre les moyens de se faire entendre ? Il est vrai que notre attitude était en rupture avec les schémas habituels. [...]
Les militants politiques étaient désorientés par notre langage. Ils n’osaient pas trop cependant nous taxer d’utopistes, sachant que la précédente « utopie » à propos des camps [d’assignation à résidence] s’était révélée étonnamment efficace. La plupart, d’ailleurs, nous avaient connus [...] par exemple aux Champs-Élysées le 28 mai 1960 où un millier de personnes avait spectaculairement protesté contre les camps, malgré une contre-manifestation d’extrême droite et d’innombrables forces de police dirigées par le préfet en personne. [...]
Finalement, un petit groupe se retrouva à Paris quinze jours plus tard pour régler les modalités pratiques d’action. La discussion fut serrée, mais les choses finirent tout de même par se clarifier. »