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Visite de la Vallée du Jourdain II
Le village de Jiftlik
Article mis en ligne le 1er novembre 2008
dernière modification le 5 janvier 2014

par PS

Le village de Jiflik est un exemple frappant de la fragilité d’un habitat très dispersé face à l’occupation. Cette communauté autrefois prospère de 35 000 habitants, est composée de nombreux hameaux et fermes répartis dans et autour d’une vaste zone de culture, comme le montre la carte détaillée. Elle n’en compte plus que 5 000 maintenant.

La tactique de l’occupant pour mettre la main sur les terres situées entre les divers hameaux et dont certaines appartiennent encore aux villageois, consiste à supprimer toute possibilité de survie aux habitants afin qu’ils se laissent regrouper dans l’une seulement des localités, en bordure des terres cultivables. Là, on a laissé à la population la jouissance d’une source. Dans le reste du village, les habitants doivent acheter leur eau potable en bouteille aux Israéliens, et aller remplir des citernes à cette source à des kilomètres, pour les travaux en tout genres et l’arrosage de quelques cultures.

Restes de maisons récemment détruites dans un hameau de Jiftlik, avec colonies verdoyantes en arrière-plan

Pratiquement toutes les maisons des différents hameaux ont reçu des ordres de démolition, et leur destruction effective intervient de façon tout à fait aléatoire et arbitraire. Les ruines visibles sur les deux photos dataient de quelques jours. Sur la photo de gauche, la maison immédiatement en dessous de ruines, qui était trop exposée, avait été transformée en un petit élevage de poulets. A notre passage, ce poulailler venait d’être voué à la démolition. Une grande partie du hameau a déjà été détruit, et plus ou moins reconstruit.

Il est, bien entendu, interdit de reconstruire les maisons détruites, qui étaient souvent en briques creuses de ciment. Les habitants résistent en essayant de les reconstruire par des techniques traditionnelles. Ils reprennent la production de briques de pisé, mais sans aucun moyen technique. Nous les avons vu, pantalons relevés jusqu’aux genoux, malaxer avec les pieds, en pleine canicule, de la terre avec une sorte de paille, ou plutôt d’herbe sèche, dans laquelle ils versaient parcimonieusement un peu d’eau tirée d’une citerne, puis former des briques qu’ils mettaient à sécher au soleil (photo de gauche, ci-dessous). Les murs construits avec ces briques se dissolvent lors des fortes pluies d’hiver, et les Israéliens leur interdisent à la fois de les restaurer, et de les protéger préventivement en les couvrant de feuilles plastiques. D’autres habitations sont remontées avec d’autres matériaux de fortune tels la tôle ou le plastique (photo de droite), l’été la température y est insupportable.

Reconstruction des maisons détruites dans un hameau de Jiftlik, à gauche préparation de briques de pisé, à droite des maisons en tôle.

Nous avons pénétré à Jiftlik par un hameau qui semble avoir été un centre important. Beaucoup de maisons y sont maintenant détruites ou abandonnées. Nous y avons remarqué les ruines d’un hopital de grandes dimensions, qui devait pourvoir aux besoins de la grosse bourgade de l’époque. Les Israéliens l’ont démoli et il n’y a plus de centre de santé important à proximité. A chaque problème grave, les habitants doivent maintenant essayer de se rendre dans les grandes villes comme Naplouse, et ils dépendent de la bonne voloté des soldats de garde aux check-point, qui ne daignent pas toujours les laisser passer.

Quant à l’école, elle se trouvait dans un hameau périphérique. Comble d’imagination perverse, les Israéliens avaient instauré, entre le reste du village et l’école, un check-point qu’ils fermaient juste avant la fin des cours, empêchant les enfants de rentrer chez eux. Pendant une année, les enfants ont dû coucher près de leur école dans des tentes dressées par les villageois, afin qu’ils puissent continuer leurs études. Mais cela posait de sérieux problèmes aux parents, surtout pour les filles. Ils sont ensuite parvenus à construire une école dans le village, mais sous tente aussi, car les Israéliens ne les ont pas autorisés à la construire en dur.

La misère y est extrême, faut-il le préciser. Leur solitude aussi. L’un de leurs représentants nous a dit que « si des gens comme vous s’intéressent à nous, nous verrons la victoire ». Ainsi soit-il !

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