La Lettre de Brignoles racontait dans chaque numéro, au jour le jour, le quotidien des objecteurs. Les textes de présentation ou de réflexion qui accompagnaient chaque "Lettre" sont rassemblés ici.
Lettre de Brignoles - n° 5 Juillet - mi-août
(datée du 1er septembret 1965)
VENDREDI 2 JUILLET 1965 :
M. BORRELY, Professeur de Philo, qui vient de passer plusieurs années en Algérie et part enseigner en Afrique Noire, nous fait une conférence sur les pays sous-développés. Conférence qui fut suivie d’une vive discussion, le sujet intéressant nombre d’entre nous.
SAMEDI 3 JUILLET 1965 :
Opération "poissons crevés". Une usine ayant déversé mercredi un produit poison dans l’Argens, près de Carcès, la majorité des poissons ont crevé. Ils remontent à la surface, le ventre en l’air, et nous participons au nettoyage de la rivière. Quelle odeur !
LUNDI 5 JUILLET 1965 :
17 H : pré-alerte. Treize feux dans la région. Nous ne sommes pas appelés ! Indignation dans le camp.
MARDI 6 JUILLET 1965 :
On charge 6 tonnes de carreaux à Marseille pour le bâtiment administratif. Déchargés à Brignoles, ils seront rechargés et ramenés à Marseille à cause d’une erreur. Ils étaient de trop belle qualité !
MERCREDI 7 JUILLET 1965 :
De 7 H à 11 H sans interruption, nous coulons la première partie de la dalle du garage.
Nous adressons une lettre au "Monde" pour protester contre le fait que l’on n’ait pas été appelés malgré tous les feux ces derniers jours.
JEUDI 8 JUILLET 1965 :
Nous demandons et obtenons une réunion avec M. COUDERC, responsable des interventions, pour qu’il nous explique les raisons de notre inactivité. Sa réponse : "Je n’en sais pas plus que vous. M. LAMBERT doit aller lundi voir le Préfet du Var à ce sujet".
22 H : la radio annonce un feu important dans la région de BANDOL-SANARY.
22 H 30 / L’un de nous téléphone au Service6Incendie de la Préfecture du Var, rappelant que 4 jeeps-citernes et 12 personnes sont disponibles au G.S.P. La Préfecture nous invite à partir immédiatement et à nous mettre en rapport avec la Direction des Secours sur place.
Nous prévenons alors nos cadres qui, après confirmation de la Préfecture, donnent signal du départ.
VENDREDI 9 JUILLET1965 :
Nous luttons toute la nuit et la matinée ne quittant les lieux que le soir, tout étant carbonisé. Les conditions étaient particulièrement difficiles : relief complexe et vent tourbillonnant. A un certain moment, trois d’entre nous ainsi que quelques pompiers ont été encerclés par les flammes et ont cru quelques instants périr asphyxiés. Un chauffeur de jeep, ses nerfs l’ayant lâché, doit être conduit à l’hôpital de Toulon.
La deuxième équipe entre en action vers midi et passera la nuit à travailler.
Les 7,8 et 9, une série d’articles sur les incendies en Provence paraît dans "Le Monde". Nous adressons une lettre au journal à cette occasion.
SAMEDI 10 JUILLET 1965 :
13 h : nous sommes appelés à deux endroits. Le premier feu, à Barjols, est éteint lorsque nous arrivons. Le second, entre Cotignac et Carcès, nous occupe jusqu’au soir. Nous dînons au restaurant à Carcès.
Ceux de Bandol ont réussi à éteindre le feu dans leur secteur, et rentrent après avoir reçu les félicitations du maire.
MARDI 13 JUILLET 1965 :
Nous faisons une réunion générale pour discuter des questions financières et de l’élaboration d’un budget.
MERCREDI 14 JUILLET 1965 :
L’après-midi : course de kart en côte à la montagne de la Loube. Nous assurons la surveillance incendie et le secours en collaboration avec les pompiers de Brignoles et la Croix-Rouge.
15 H 30 : ceux présents au camp partent pour un feu au LUC. Le soir, ceux de la Loube les rejoignent. A mi-chemin, une jeep-citerne déboîte trop brusquement pour doubler un camion. Les 250 litres d’eau à l’arrière la déportent. Choc contre le camion. Le chauffeur pris de peur saute, son équipier réussit à arrêter la jeep. Le chauffeur s’en tirera avec l’épaule déboîtée. Nous perdons deux heures. Nous éteignons le feu dans la nuit.
JEUDI 15 JUILLET 1965 :
Surveillance toute la matinée. Nous déjeunons, dans une ferme, de poulet rôti offert par la municipalité du LUC.
Nous sommes chassés l’après-midi par la pluie.
M. BACCOURT (qui dirigeait l’intervention) nous remercie pour notre bonne tenue.
SAMEDI 17 JUILLET 1965 :
Alerte à Brignoles. Nous ne partons pas.
LUNDI 19 JUILLET 1965 :
Une note de service paraît, invitant ceux qui ont un parent "mort pour la France" à se faire connaître, en vue de l’application d’un futur décret sur le recrutement.
JEUDI 22 JUILLET 1965 :
M. LAMBERT refuse à nouveau une permission à l’un de nous pour aller au mariage de sa sœur.
Nouvelle note de service pour le recensement des instituteurs et éducateurs.
DIMANCHE 25 JUILLET 1965 :
Quatre du camp collaborent à une expédition pour la paix organisée par le groupe Pax Christi de Marseille aux Saintes-Maries-de-la-Mer.
A Brignoles, don du sang. Pas de chance : une veine esquintée !
LUNDI 26 JUILLET 1965 :
Les deux camions-citernes (800 litres) arrivent. Ils proviennent des Marins-Pompiers de Marseille.
MARDI 27 JUILLET 1965 :
16 H 30 : Départ au feu pour AUBAGNE. Dès l’arrivée, dans un affolement général, nous protégeons quelques maisons.
Nous luttons jusqu’à une heure du matin. Tout semblant éteint, nous dormons à la belle étoile près d’une ferme.
MERCREDI 28 JUILLET 1965 :
Matinée calme. Le départ est prévu pour midi, puis 14 h.
13 H : Alerte. Une fumée indique une reprise dans notre secteur. Cinq minutes après, nous sommes sur les lieux, mais poussé par le mistral, le feu a déjà un front de cent mètres. Malgré l’aide des Marins-Pompiers et des avions "Catalina", il ne sera pas éteint avant la nuit.
Nouvelle nuit à la belle étoile. Surveillance de plus près.
JEUDI 29 JUILLET 1965 :
Nous assurons la surveillance toute la journée. Départ à 17 h.
Nous avons été nourris pendant deux jours de rations, les boîtes de cassoulet faisant suite aux boîtes de saucisses aux haricots. Ne nous parlez plus de haricots !
VENDREDI 30 JUILLET à LUNDI 2 AOUT 1965 :
Nous assurons un poste de secours sur la Nationale 7 durant l’opération "Primevère III".
SAMEDI 31JUILLET 1965 :
Une entreprise extérieure pose un dallage en marbre dans le bureau de M. LAMBERT.
Un camarade prend conscience de l’inutilité des chantiers de la Protection Civile. Il refuse de continuer à travailler sur le bâtiment administratif. M. Lambert lui refuse alors de partir en intervention. Il viendra quand même avec nous et écrira une lettre à M. le Ministre de l’Intérieur.
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